La Gazette du 13ème – Journal de quartier

La Gazou

Gazette 79 Des migrants parmi nous

Posted by lagazou sur 24 avril 2011


Histoires de foyers

Les premières formes de logements collectifs meublés à Paris apparaissent au début du XXe siècle. Quelques foyers privés aidés par l’état sont destinés aux ouvriers nord-africains. En 1925 la préfecture de police abrite une section d’affaires indigènes nord-africaines dont une des fonctions est la gestion des foyers. Il faut « encadrer » cette population, particulièrement les « coloniaux » vivant en célibataires.

On se souvient qu’à partir de 1945 le France fait venir de très nombreux étrangers pour la reconstruction du pays. D’abord logés en bidonvilles ces travailleurs vont progressivement rejoindre des structures collectives.

L’état crée en 1956 la Sonacotral qui deviendra la Sonacotra, premier gestionnaire de ces logements sociaux de type particulier : logements à l’économie construits en des lieux difficilement concédés, financés partiellement par les travailleurs eux-mêmes.

L’immigration liée au travail s’arrête en 1970, le sort des travailleurs se dégrade, ils mènent des luttes dures et se trouvent face à des réponses répressives.

À partir des années 80, on assiste à des mutations profondes des politiques de logement, elles témoignent d’une vision d’ensemble, d’une manière nouvelle de gérer l’accueil de publics « très social ». Il s’agit de personnes défavorisées à qui on proposera des « logements d’insertion ».

Un nouveau cycle de foyers : les résidences sociales

On en parle comme « d’un nouveau produit logement foyer » susceptible d’accueillir pour un certain temps des personnes fragiles. C’est un moyen de sélectionner les résidents, c’est aussi une tendance omniprésente aussi bien dans les lieux d’hébergement des « sans » : Mie de pain, Armée du salut et autres structures. Une sorte de prise en charge individuelle des hébergés au prix de la récession du nombre de personnes accueillies. Une politique qui contribue à laisser sur le bas-côté au moins trois millions de mal-logés.

Quand il s’agit des foyers de travailleurs immigrés cette perspective est particulièrement désastreuse. Les résidents, issus souvent de mêmes régions forment une communauté. Leurs valeurs, leurs traditions nécessitent des espaces collectifs, ils le manifestent clairement à travers leurs revendications. Nous les avons accompagnés dans leurs manifestations et comprenons bien l’enjeu d’une conception des espaces communs compatibles avec leurs choix de vie. On peut bien s’étonner d’ailleurs que malgré de nouvelles mesures destinées à organiser la concertation (loi SRU de décembre 2000), les comités de résidents ne parviennent pas à se faire entendre. Il faut dire que les gestionnaires des foyers : Aftam, Adoma, * ne pratiquent pas vraiment le dialogue.

Les foyers, comme des villages

Au sein des foyers, on trouve comme au village les artisans, coiffeurs, tailleurs, petits vendeurs, bouchers. C’est la reconstitution d’un monde familier. Pour les instances administratives, c’est absolument incongru, voir malsain.

Pour les résidents, c’est une source d’économie essentielle quand on sait qu’une partie de leurs maigres salaires fait vivre beaucoup de gens dans leur lieu d’origine (on a pu dire que l’argent d’un salarié durement économisé nourrit 40 personnes au pays).

Les cuisines comme lieux de vie

Nous l’avons dit, la tendance est au développement de petites chambres avec coin cuisine, une plaque électrique et des espaces communautaires réduits. Parfois on crée des murs qui cloisonnent des surfaces qui auraient pu favoriser la rencontre.

Bien que toutes les consultations aboutissent au même constat, il faut bien dire que les instances qui décident n’en tiennent absolument pas compte.

La revendication dans les foyers est partout la même : des cuisines collectives suffisantes et en bon état. Non seulement ces cuisines gérées par des Africaines permettent à tous de manger « à l’africaine », ensemble pour la somme de 2 € environ. Ouvertes, parfois aux voisins, elles donnent aux plus pauvres les moyens de se nourrir. Il s’agit de plats de longue cuisson impossibles à réaliser sur des petits réchauds individuels. On n’imagine pas que celui qui rentre épuisé d’une journée de travail se mette à cuisiner dans sa chambre minuscule déjà bien encombrée. C’est une question de bon sens et de respect de la vie de chacun.

Des espaces de non-droit

Les travailleurs sont des adultes responsables, ils payent un loyer très conséquent en regard à l’espace occupé et à la vétusté des installations. Ils sont pourtant tenus à des obligations et à des interdits dignes d’anciens pensionnats :

Ils ne peuvent recevoir de visites après 21 heures.

Il leur est interdit de mettre une serrure.

Les gestionnaires n’ont aucun scrupule à entrer sans prévenir dans les chambres, quand à la police elle avait trouvé plus viril de casser les portes. En fait les résidents sont traités souvent comme des délinquants.

La section des 13e/5e de la Ligue des droits de l’Homme vient de consacrer une réunion à l’information sur les foyers elle compte se rapprocher des résidents, établir des contacts.

La Gazette souhaite se faire l’écho des tentatives, qu’elles viennent des conseils de quartier ou d’autres associations. Cela relève de notre dignité et de notre solidarité

*ASSFAM, Association Service Social Familial Migrants

*ADOMA, Nouvelle appellation de la Sonacotra

 Affaire à suivre

 S.L

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